Wednesday, March 19, 2008

Pratique funéraire en Côte d’Ivoire, quelle implication de l’Etat ?

Les funérailles sont une réalité cruelle en Côte d’Ivoire. Les familles éplorées sont non seulement obligées de deployer des ressources physiques, mais de se saigner économiquement pour donner des funérailles ‘‘dignes’’ à l’être cher disparu. Exigence sociale et traditionnelle que tout le monde ne peut malheureusement satisfaire. Tout porte à croire que les choses se conçoivent en terme de concurrence dans les villages, villes et quartiers.

Conséquences, les funérailles sont devenues un fond de commerce et une occasion opportune pour les politiciens en quête de notoriété, d’étaler des richesses et faire une sorte de marketing politique.
L’autre point de focus est que les funérailles ont des conséquences désastreuses sur le fonctionnement de l’administration du pays qui tourne au ralenti parce que les weekends sont reservés aux deuils.

C’est pourquoi, l’Etat doit réagir pour mettre de l'ordre dans la pagaille qui entoure les activités funéraires et garantir un enterrement ‘‘digne’’ à tout le monde. Les Ivoiriens doivent travailler malgré les décès. C’est une exigence biopolitique; il s’agira ici pour l’Etat de s’infiltrer dans le corps social et guider le processus funéraire.

Comprendre les pratiques funéraires

Tout commence par l’organisation de veillées pour recueillir le maximum de fonds. A Yopougon, l’espace FICGAYO qui jadis était un espace aménagé pour les foires commerciales est réduit à un espace funéraire ou les veillées se suivent et rivalisent les weekends. Ici, l’occasion est bonne pour les amis et connaissances du défunt et de sa famille de venir les soutenir, de préférence, en espèce.

Pendant ce temps, le corps est conservé à la morgue et les frais de conservation se payent par jour. La durée de la conservation du corps est fonction du montant rassemblé lors des veillées. aussi longtemps que le budget prévu pour organiser les funérailles n'est pas encore en place, l’on continuera d’organiser les veillées.
Ici, au délà de l’aspect économique lié à la conservation du corps, il est totalement macabre et absurde de garder le corps sans vie d’une personne à la morgue pendant des mois. Où est donc les respect qu’on doit aux morts en Afrique, si l’âme du défunt n’a pas de repos et doit vauguer à vau-l’eau parce que l’on n’a pas encore réuni le fond nécessaire pour lui donner de la paix éternelle? Ceci est une question d’éthique!

Des funérailles ‘‘dignes’’, c’est aussi un cercueuil hors pair transporté dans un corbillard—Mercedes de préférence—un lit mortuaire décoré par un spécialiste en la matière, une pierre tombale originale avec une épitaphe originale. L’apothéose dans tout ceci, c’est le jour de l’enterrement. Ce jour-là, il faut tuer un nombre important de boeufs pour prouver que le défunt était un grand homme/femme.

Exception faite des Ivoiriens musulmans qui ont une vision très modeste des choses funéraires, le reste du pays et particulièrement les peuples de l’Ouest se ruent dans un folklore de brancard pour faire le tape-à-l’oeil. C’est la concurrence de qui fera mieux la prochaine fois.

3 jours de travail effectif dans la semaine

Evidemment, tout autant que les moyens financiers, toute cette organisation à besoin de moyens humains. Et ce sont généralement, les gens qui ont un emploi soit, dans l’administration soit dans le privé qui ont cette lourde tâche. Dans le privé, les travailleurs ne se donnnent pas de congés funéraires comme c’est le cas dans l’administration où c’est le laissez-aller.

Un responsable du FPI ne pensait pas si bien illustrer cette réalité en revélant sur un ton tragi-comique qu’en Côte d’Ivoire, les fonctionnaires travaillent ‘‘trois jours sur cinq dans la semaine. Le travail commence le mardi et finit le jeudi’’. Déjà le vendredi, les gens préparent leur participation à des funérailles. Ils retournent de ces funérailles le dimanche soir. Ils se remettent des fatigues du weekend lundi et le travail commence effectivement le mardi’’.

Devoir de régulation des funérailles pour l’Etat

Une régulation des pratiques funéraires par sa standardisation s’impose à la Côte d’Ivoire. D’abord, il ne doit jamais exister l’ombre d’un doute que le fonctionnaire Ivoirien travaille 5 jours sur 7 dans la semaine. Ce principe doit être réaffirmé et ceux qui en contreviennent doivent subir les conséquences de leurs actes en fonction des procédures légales en vigueur.

Mais ce principe n’aura force de persuasion que si l’Etat se met en branle en tant que ce que Michel Foucault appelle force qui ‘‘agit directement par des campagnes ou, encore, indirectement par des techniques qui vont permettre(...) de stimuler, sans que les gens s’en apercoivent1’’ le besoin de célébrer la vie. Il faut transformer l’existant ‘‘discours sur la mort’’ en ‘‘discours sur la vie’’.

Le discours sur la vie, c’est améner les Ivoiriens à la célébration des naissances, des anniversaires qui ne doivent pas être réservée aux seules couches nanties. C’est investir dans le développement de l’intellect des enfants par l’investissement dans les jouets stimulant leur intelligence. C'est équiper les familles en ordinateurs afin que la jeunesse ivoirienne soit à jour des techniques moderne de communication. C’est organiser des ''veillées pour la vie'' pour recueillir des fonds devant aider à payer les études et les stages des membres de la famille qui en ont besoin. Trouver des bourses et des fonds d’études pour envoyer les membres de la famille étudier à l’étranger pour qu’ils se frottent aux jeunes du monde de leur génération. Il faut améner les populations à investir dans la vie et sur la vie. L’Etat doit investir dans les corps pour la vie.

La régulation subtile du système funéraire passe aussi par l’organisation d’associations—ou s’appuyer sur les associations villageoises et régionales—existantes pour l’institution de ‘‘fond funérailles’’, nourris par les cotisations des concernés, dans chaque village, hameau et quartier de la Côte d’Ivoire avec des textes définissant les modalités de funérailles. Cela voudra dire un cercueil standard pour tous, un delai de conservation d’au plus une semaine et limiter les rituels au minimum près. Les enterrements ont lieu les samedis ou les dimanches.

Par ses mesures, l’Etat incarné par le pouvoir social-démocrate FPI donnera un sens à cette idéologie qui veut que les citoyens aient les mêmes chances, les mêmes possibilités et la même dignité. Il ne doit pas y avoir d’Ivoiriens riches dans la mort qui jouissent d’honneurs et d’Ivoiriens qui sont enterrés incognito parce que leurs progénitures n’ont pas les moyens de leur offrir des enterrements ‘‘dignes’’. Tout le monde doit jouir des mêmes chances tant dans la mort que dans la vie. L’Etat doit garantir la dignité dans la mort à ses citoyens en informant et aidant les populations à définir un standard dans l’organisation matérielle des funérailles.

Ces mesures aideront aussi nos Présidents qui ont eu une malheureuse tendance à donner 1 million ici, 5 millions là pour aider des particuliers à organiser des funérailles. Un Président ne fait pas de dons aux individus. Il travaille à établir des mesures sociales ou un système qui prend tout le monde en compte.

Les funérailles en Côte d’Ivoire étant un fait hautement social, une réalité qui affecte tout le monde au quotidien, il y va du bon fonctionnement de la société si un système existe qui les régule de sorte à ce que cette charge soit déchargée des individus et confiée à des communautés.

En définitive, l’Etat doit aider à inverser la tendance qui veut que les populations investissent dans les honneurs dans la mort et les encourager à investir dans la création d’entreprises qui créent l’emploi.
La population s’en trouvera épanouie et la fonction publique aussi.

1 In Dits et Ecrits 1954-1988 ”Gouvernementalité’’ Tom III (pp 635-657)
Blay-Azu Dali