Réponse à un article parut le 16 février 2009 dans Le Nouveau Reveil: http://news.abidjan.net/presse/lenouveaureveil.htm
Cher Maître Tiburce Koffi,
Je dis ‘‘Maître’’ car tu fus mon examinateur à l’oral de Bac en 1992 pour un commentaire du poême de Charles Baudelaire intitulé ‘‘l’ennemi’’. Je me rappelle encore ta lecture avec une lyrique enchantantée de ce poême :
‘‘Ô douleur, ô douleur !
Le temps mange la vie
Et l’obscur ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît, et se fortifie !
Depuis, tu es devenu mon idole et t’ai toujours suivi dans l’ombre.Tu ne peux te souvenir de moi mais ce n’est pas bien grave. Toujours est-il que, j’ai lu ta Chronique ‘‘Mi kissié tchin angounda’’ du lundi 16 février 2009. Je ne veux pas croire que les commentaires que je fais de ta chronique soient ce que tu as voulu communiquer aux lecteurs. C’est mon interprètation, quitte à toi de me porter la contradiction.
En effet, à lire ta chronique on s’aperçoit que tu te poses en héraut d'un ethniscisme désuet. Tu commences ton texte par la phrase suivante: ‘‘Dans notre pays notamment, deux noms et prénoms (..) semblent être marqués du sceau de la prédestination : ce sont Konan et Laurent’’. Je ne crois pas en la prédestination. Mais tu pouvais tout autant écrire: Dans notre pays la noblesse semble être prédestinée une ethnie: le Baoulé. Les autres ethnies sont celles des canailles.
D’abord parce que tous les Konan que tu as cité sont bien évidemment des Baoulé qui ont la caractéristique commune d’avoir, selon toi, réussi leur vie de la manière la plus brillante, car ils sont des ‘‘DG’’, des maires, des ‘‘puissants Ministres’’. Il y en a que tu n’oses pas nommer tellement leur position s’impose à tout le monde. Ce sont Henri (ancien Président de la CI.), les Banny et une catégorie de Konan qui a le nom de Dieu ‘‘Gnamien’’ qui veut bien naturellement gouverner le pays. C’est Gnamien Konan qui brigue le poste de PR. Tu n’oublies pas de nous revéler que Pokou, le célèbre footballeur ivoirien qui est dans la catégorie des Laurent s’appelle aussi Konan. Ce qui explique sa célébrité positive. Et biensûr tu n’oublies pas l’écrivain Vénance que tu ‘‘glorifies’’ bien parce que tu ‘‘l’aimes bien’’. Et puis, tu laisses ‘‘les Konan vivre l`énigmatique odyssée de leurs noms’’ pour disserter sur les Laurent.
Ensuite, les Laurent eux, sont issus des autres ethnies à l’exception de Pokou. C’est justement là que se trouve le caractère insidieux de ta chronique. A lire ta description, Les Laurent passent tous pour être des ‘‘tocards’’, des trouble-fêtes. Tu commences par Akoun, le puissant syndicaliste des années 1980 qui partage avec Gbagbo—que tu nommes ’’Soundjata’’—le malheur d’être ‘‘professeur d’histoire’’; eux par qui ‘‘il nous arrive toujours de sales histoires’’.
Donc, les Laurent et en particulier celui de ‘‘Mama’’ nous a entrainés dans la guerre que nous vivons aujourd’hui. Et comme, selon toi ‘‘un Laurent en cache toujours un autre’’ tu caractérises Dona-Fologo pour être versatile, car pour toi, il ‘‘est passé maître dans l`art de l’esquive et de se mettre au service de tout nouveau maître’’.
Chez les footballeurs nommés Laurent, tu fais appel à Pokou et Zahoui Madou. Commençons par le 2ème nommé. Zahoui Madou Laurent, puisque c’est de lui qu’il s’agit n’a plus de traces. En effet, tu te demandes ce qui est advenu de lui. Celui-lá, tu l’as toujours assimilé—drôle de comparaison—à ‘‘un Khmer’’ à cause de son ‘‘bandeau rouge sur le front’’. Tu le trouvais plûtot ‘‘facétieux que génial’’. c’est à dire que pour toi, Zahoui Madou a toujours été plus plaisantin qu’un doué en foot. Tu pousses ton outr’cuidance plus loin en te demandant comment il a pu entrer dans la légende avec ‘‘Ayo sé’’ de Chantal Taïba lui, le Laurent ‘‘nocif’’.
Tu ne t’arrêtes pas là, car parmi ces Laurent, il y a un certain Pokou, footballeur émérite de notre pays. Tu t’attardes sur ce Laurent en le couvrant de superlatifs: ‘‘Le Duc de Bretagne, l`Empereur baoulé, l`Homme d`Asmara. Selon toi, le ‘‘Laurent qui signifie la différence’’ entre les Laurent ‘‘impétueux et nocifs’’ s’appelle Pokou!’’
Mais tu ne t’arrêtes pas là; et tenez-vous bien, tu finis par nous revéler que Pokou est différent des autres Laurent parce qu’il s’appelle aussi...Konan...donc parce qu’il est de l’ethnie baoulé . Et ‘‘Comme si son père avait voulu lui donner toutes les chances d`entrer dans la légende par ces deux noms prédestinés’’. Donc s’il s’était seulement appelé Laurent , sans ‘‘Konan’’, il aurait fini comme le tristement célèbre ‘‘Khmer’’ de Zahoui Madou et les autres
Laurent.Tu finis ta chronique en ces termes : ‘‘il y a des renommées dont on doit pouvoir se passer. Il faut le dire ou… périr : Faisons désormais attention aux noms de ceux qui veulent nous diriger’’.
Quelle naiveté! Quelle légereté! Quelle méchanceté! Cher Maître, ta chronique est le prototype de reflexions intellectuelles qui font le lit de l’ethnicisme et du tribalisme chez nous. Tu n’as peut-être pas pensé à la gravité de cette onomastique. Mais figure-toi que tu te fais complice du discours ethnisant de Bédié qui stratifie les Ivoiriens entre ceux qui sont nés pour diriger la Côte d’Ivoire et dont fait partie ton ethnie, et ceux qui n’ont jamais eu ‘‘d’organisation politique’’ concrète donc condamner à subir. In ‘‘les Chemins de ma vie’’ (pp.20-21). Avec ta chronique du lundi 16 février, on a l’impression que tu veux insinuer que Konan—porté ici par les Baoulé – est un nom porte-bonheur, alors que Laurent porte la poisse. Aussi corrobores-tu la thèse de Bédié en classifiant les Ivoiriens entre ceux qui sont prédestinés à être positivement célèbres parce qu’ils s’appellent ‘‘Konan’’ et les autres qui sont des bons à rien.
Tu sais bien ce que ce genre de discours a coûté à la Côte d’Ivoire : Coup-d’état, rebellion et la tragédie de laquelle le pays peine à sortir aujourd’hui. Mais ta mauvaise foi t’incline à accuser les Laurent d’être ceux qui ont entraîné notre pays dans les ‘‘histoires’’. Cher Maître, j’ai peur que tu ne t’ériges en héraut d’un concept désuet d’ivoirité dont personne, aujourd’hui ne veut revendiquer la paternité. Comment peux-tu faire une onomastique d’un prénom local (Konan) et d’un prénom chrétien (Laurent) dans notre société où des noms répondent à nos appartenances ethniques sans penser aux frustrations que cela pourraient engendrer?
En outre, l’on peut comprendre que tu veuilles souiller les Laurent qui ne sont pas Baoulé et qui sont apparement tes ‘‘ennemis’’ politiques, mais de là à traiter Zahoui Madou Laurent de ‘‘Khmer’’ Rouge, les génocidaires Cambodgéens de Pol Pot est une comparaison grossière, vicieuse et tendancieuse !
Pour finir, je pense que c’est trop grave pour un faiseur d’opinion et enseignant comme toi de recommender nos populations de ‘‘faire attention aux noms de ceux qui veulent les diriger’’ plûtot que de leur exiger de regarder les programmes de gouvernement qui sont et doivent être les répères des électeurs en démocratie. En disant cela, tu perpétues la politique ethnique et tu encourages les votes liés aux patronymes. Or donc tes critiques virulentes contre la réfondation sont motivées par le fait que le leader ne s’appelle pas Konan ou Koffi comme toi !!
Et dire que tu es chargé d’inculquer la connaissance à la jeunesse ivoirienne. Si ce sont des enseignants comme toi qui ont eu en charge de nous inculquer la démocratie, de faire de l’école le socle de l’unité nationale, je comprends que notre système scolaire soit ‘‘en déliquescence’’ et qu’en lieu et place d’unité nationale, la Côte d’Ivoire soit coupée en 2 depuis bientôt 8 ans.
En conséquence de ce qui a été dit,il serait illusoire de ta part de croire que ‘‘la guerre, le sang et la décadence de notre pays’’ est du seul fait des Laurent. Peut-être devrais-tu aussi chercher du côté des tribalistes patentés comme toi Tiburce et Henri!
Par Blay-Azu Dali
Bibliographie:
Bédié, Konan Henri ; Les Chemins de ma vie ; Saint-Armand-Montrond ; Mai 1999 ; Plon ; (pp.20-21).
Article de Tiburce Koffi: http://news.abidjan.net/presse/lenouveaureveil.htm
Cet article a été publié par connectionivoirienne.net le 22.02.2009